On sait que la puissance délivrée par un module photovoltaïque dépend fortement de la quantité d’irradiation, qui atteint les cellules solaires. Celle-ci varie selon l’endroit où sont implantés les panneaux photovoltaïques.
On sait également qu’un accroissement des températures va engendrer une baisse des performances des PV. C’est ce que montrent les deux graphes présentés ci-dessous issus d’une publication (Maghami et al; 2016).

Mais ce ne sont pas les seuls éléments qui peuvent impacter les performances des modules photovoltaïques.
La pollution de l’air (“ombrage doux”) ou les effets de salissures (soiling effect) liés au dépôt de particules solides (“ombrage dur”) peuvent également avoir un effet négatif sur les performances des panneaux.
Un “ombrage doux” va provoquer une baisse de l’intensité du courant et de la puissance produits , mais la tension va rester inchangée. Un “ombrage dur” va être responsable d’une baisse de la tension et de la puissance produites (Maghami et al; 2016).

Voici une liste non exhaustive des phénomènes qui sont à l’origine de ces phénomènes d’ombrage:
- Ombrage doux, lié à la dégradation de la propagation des rayons lumineux dans l’air
- Pollution de l’air en milieu urbain ou en zone industrielle;
- Fumées par exemple liées aux feux de forêt.
- Ombrage dur, lié à des dépôts sur la surface des panneaux:
- Dépôt de neige
- Dépôt de poussières naturelles, sables, argiles notamment en milieu désertique;
- Dépôt de cendres volcaniques;
- Dépôt de poussières issues de la pollution de l’air (métaux, carbone)
- Formation de mousse ou de dépôts bactériens en milieu humide;
- Dépôt de pollens, de débris végétaux (feuilles,…),
- Dépôt de sel en bordure de mer,
- Déjections d’oiseaux.
La carte ci-dessous donne une vision des zones géographiques les plus impactées par les poussières naturelles, principalement les zones arides ou désertiques (Maghami et al; 2016). Les poussières naturelles correspondent à des particules minérales (silice, argile) issues de l’érosion des roches et transportées par le vent; les particules ont des tailles comprises entre 1 et 500 µm. Plus l’atmosphère est humide et plus les particules vont se coller à la surface des panneaux.

L’analyse de cette carte montre que les pays qui bénéficient de hauts niveaux d’irradiation solaire sont également ceux qui sont soumis aux risques les plus élevés de poussières et au déficit d’eau nécessaire au nettoyage.
La classification donnée sur cette carte permet d’estimer des taux de réduction qui sont appliqués dans les simulations de production de parcs photovoltaïques. On estime que chaque g/m² de taux de poussière peut conduire à une baisse de la transmission de lumière de 4,1%; c’est ce que l’on appelle le niveau de salissure (soiling level).
La France entre dans la catégorie 2, c’est-à-dire avec des taux de concentration de poussière compris entre 12 et 30 µg/m³; elle est donc relativement protégée du risque lié aux poussières.
Dans la catégorie 4, la plus exposée au risque de poussière, on trouve le Soudan en top de liste avec un taux de concentration de 150 µg/m³; l’Algérie se classe en 5ème position avec un taux de concentration moyen de 75 µg/m³ (65–96 µg/m³).
L’outil de simulation SKYRON mis en accès libre par l’Université d’Athènes permet de documenter et de prévoir les taux de concentration de poussière comme le montre la figure ci-dessous (M. Fathi et al.; 2017) avec l’exemple d’un nuage de poussière affectant l’Afrique du Nord mais aussi l’Italie et la Grèce.


L’effet de salissure peut entraîner une perte allant jusqu’à 6 à 7 % de la production totale d’énergie, qui peut augmenter jusqu’à 70 % lors des tempêtes de sable dans les régions désertiques. Le graphe ci-dessous montre la réduction de la production attendue en simulation en fonction de l’intensité du niveau de salissure (soiling level) pour un projet photovoltaïque en Algérie (M. Fathi et al.; 2017).

Des coûts non négligeables de nettoyage peuvent être associés au nettoyage des panneaux comme le montre le graphe ci-dessous (M. Fathi et al.; 2017). La réduction des coûts avec l’augmentation de la taille des projets est liée à l’utilisation de processus d’optimisation et de mécanisation.

La pluie et le vent fournissent des moyens naturels de nettoyage, mais ne parviennent pas toujours à éliminer complètement les dépôts obturants à la surface des panneaux.
Des solutions de lavage manuel ou mécanique avec de l’eau et des détergents sont alors implémentées. La méthode la plus courante pour éliminer la poussière consiste à nettoyer les panneaux solaires avec des jets d’eau à haute pression, mais cela n’est pas réalisable dans les zones aux ressources en eau et humaines limitées; celà peut également nécessiter l’utilisation d’entreprises spécialisées pour le nettoyage de PV sur des toitures difficiles d’accès.
Des recherches sont en cours pour trouver des solutions alternatives pour éliminer ces poussières, spécialement dans les environnements désertiques à ressources limitées en eau.
Ecrans électrodynamiques transparents (EDS):
L’application d’écrans électrodynamiques transparents (EDS) est une méthode émergente pour nettoyer les capteurs solaires par élimination électrostatique de la couche de poussière déposée. L’EDS est une méthode active qui applique une force électrostatique pour soulever les particules de poussière et les expulser de la surface des capteurs solaires lorsqu’elle est activée.
Le nettoyage à l’eau reste toujours nécessaire mais avec une fréquence beaucoup plus réduite.
Les besoins énergétiques pour le fonctionnement de l’EDS représentent une fraction infinitésimale de l’énergie dérivée des capteurs solaires et peuvent éliminer plus de 90 % de la poussière déposée à la surface en moins de 2 minutes lorsque l’EDS est activé.
Elle nécessite l’installation d’un film transparent dédié sur la surface du panneau photovoltaïque. L’application du film EDS doit répondre aux exigences de cyclage de la température et de l’humidité relative, de résistance aux rayons UV et de résistance aux chocs de poussière lors de tempêtes de poussière.
La figure ci-dessous illustre le dispositif de l’écran électrodynamique transparent (M. Mazumder, et al., 2013):

La couche supérieure est composée d’un verre flexible (100 μm d’épaisseur, en bleu clair) faisant face au rayonnement solaire avec son verso imprimé d’électrodes parallèles apposé sur la surface avant des capteurs solaires grâce à un film OCA (en jaune).
En plus du film EDS, un bloc d’alimentation triphasé est nécessaire pour activer les électrodes.

Les électrodes sont activées par des courants triphasés de haut voltage (1-1,5 kV), de faible intensité (niveau micro ampère) et de basse fréquence (5-20 hz).
Les tests en laboratoire montrent que le passage de ces courants dans les électrodes va entraîner le chargement positif des particules de poussière qui vont alors être soulevées par la force de Coulomb et être déplacées par le champ magnétique en dehors de la surface de l’ EDS (écran électrodynamique transparent).
Les besoins énergétiques pour le fonctionnement de l’EDS représentent une fraction infinitésimale (0,003%) de l’énergie dérivée des capteurs solaires et peuvent éliminer plus de 90 % de la poussière déposée à la surface en moins de 2 minutes lorsque l’EDS est activé.
Utilisation de nanogénérateurs triboélectriques combinés à des EDS:
Bien que la technologie des écrans électrodynamiques (EDS) soit une solution prometteuse, sa dépendance à l’égard de sources d’énergie à haute tension peut compromettre l’efficacité globale des panneaux solaires. Des chercheurs sud-coréens viennent de développer une approche innovante qui exploite des nanogénérateurs triboélectriques rotatifs (RTENG) entraînés par le vent pour alimenter les systèmes EDS, permettant ainsi le dépoussiérage autonome des panneaux solaires (M. Heo, et al., 2024).
Les nanogénérateurs triboélectriques (TENG) ont attiré une attention considérable en tant que sources d’énergie auto-alimentées en raison de leur tension alternative élevée et de leur facilité de fabrication. Les TENG peuvent générer de l’énergie électrique basée sur l’électrification des contacts et l’effet d’induction électrostatique à partir de diverses sources d’énergie mécanique, telles que le mouvement humain, l’eau, les ondes ultrasonores et l’énergie éolienne. C’est cette dernière source d’énergie qui est ici utilisée.

La vitesse de rotation du RTENG a été évaluée en fonction de la vitesse du vent (figure ci-dessous). Les résultats ont montré une augmentation linéaire de la vitesse de rotation commençant à 40 tr/min à une vitesse de vent de 6 m/s et atteignant un maximum de 165 tr/min à une vitesse de vent de 28 m/s.
Leurs résultats établissent une relation directe entre la puissance de production de leurs RTENG et les performances des panneaux solaires, atteignant des rendements supérieurs à 90 % à des vitesses de vent de 28 m/s.

L’adoption des ces techniques innovantes permet de réduire le nettoyage manuel et d’économiser l’eau dans des environnements semi-arides à désertiques peu peuplés et pauvres en eau.
Ces techniques permettent de maximiser les performances de production des panneaux photovoltaïques en atténuant fortement les impacts des dépôts de poussière.
La deuxième solution innovante, utilisant les nanogénérateurs triboélectriques présente en plus l’intérêt de combiner l’utilisation de deux énergies renouvelables: l’énergie solaire et l’énergie éolienne.
Sources de cet article:
Maghami, M.R., Hizam, H., Gomes, C., Radzi, M.A., Rezadad, M.I., Hajighorbani, S., 2016. Power loss due to soiling on solar panel: a review. Renew. Sustain. Energy,Rev. 59, 1307–1316.
M. Fathi, M. Abderrezek, P. Grana, Technical and economic assessment of cleaning protocol for photovoltaic power plants: Case of Algerian Sahara sites, Sol. Energy, 147 (2017) 358–367.
M. Mazumder, et al., Development of self-cleaning solar collectors for minimizing energy yield loss caused by dust deposition, Energy Sust. 55515 (2013), 1342-1353.
M. Heo, et al., Self-powered electrodynamic dust removal for sustainable solar panels using triboelectric nanogenerators, Nano Energy 121 (2024), 1-10